Aujourd’hui, l’ensemble des principaux partis politiques médiatisés, le Front National, les Républicains, le Parti socialiste ou le Parti communiste s’inscrivent clairement dans le jeu politique de la république des riches.
Cette république, que nous la considérions comme démocratique ou non, est la forme historique adoptée par l’Etat bourgeois. Il ne fait aucun doute que cet Etat -comme tous les Etats dans l’histoire- n’est pas neutre, il est historiquement, constitutionnellement et structurellement destiné à servir la classe sociale dominante de notre société, c’est-à-dire la bourgeoisie capitaliste.
S’il n’y avait pas de classes sociales, il n’y aurait pas d’Etat, c’est-à-dire qu’il n’y aurait nul besoin d’un appareil de répression spécial pour garantir et servir les intérêts des dominants. Voilà pourquoi nous qualifions cet Etat de « bourgeois ».
Nous rappelons ainsi que l’Etat, qu’il se présente comme démocratique ou dictatorial, a bien une nature de classe fondamentale, une fonction et une raison d’être.
Il en va de même pour la nature des partis politiques. Si ceux-ci visent la gestion gouvernementale, ils sont des partis politiques bourgeois et ce, quelles que soient leurs nuances politiques et démagogiques.
Mais ce qui nous intéresse ici c’est la question de l’organisation des partis politiques visant l’établissement d’une autre société. Ces derniers sont généralement -dans une société caractérisée par la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat- des partis politiques dits « ouvriers ». Et ces partis visent tous -quelles que soient leurs variantes programmatiques- un dépassement de type communiste de l’ordre capitaliste actuel.
Nous tâcherons ici d’expliquer que la possibilité de réalisation du projet communiste implique nécessairement un certain type d’organisation politique.
2) Un peu d’histoire...
a) De Blanqui à Lénine
Le jeune mouvement ouvrier du 19ème siècle et ses intellectuels pionniers, comme Karl Marx et Fréderic Engels, n’avaient pas d’emblée une idée claire du type d’organisation politique nécessaire au renversement de la société capitaliste. Marx évoquait simplement, dans le manifeste du parti communiste de 1848, les militants communistes comme « la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays » qui « proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé ».
Le 19ème siècle était également marqué par l’expérience de révolutionnaires tels qu’Auguste Blanqui. Ce dernier, sous le mot d’ordre « qui a du fer, a du pain » avait une conception putschiste de la révolution. Il a ainsi tenté à plusieurs reprises, avec un petit nombre de compagnons, des coups de forces armés en espérant que le peuple suive. Cette tactique ultra-volontariste et déconnectée du mouvement réel du peuple et de la lutte des classes ne fonctionnait pas, et Blanqui passa une grande partie de sa vie en prison.
En 1871, la commune de Paris fut la première grande expérience d’une prise de pouvoir révolutionnaire par le peuple ouvrier. Mais ce pouvoir fut rapidement réprimé dans le sang, faute justement d’une direction politique clairvoyante.
Au début du 20ème siècle, fort de ces expériences, le mouvement ouvrier avait constitué, dans le cadre de la deuxième internationale, des partis politiques d’obédience marxiste appelés « partis sociaux-démocrates ». Mais ces partis avaient les travers inverses des groupes blanquistes. Ils étaient organisés sur des bases très larges, accueillant sans condition particulière les travailleurs mais aussi les opportunistes politiques de tout poil. Ces partis de masse, révolutionnaires en théorie mais pratiquement en voie d’être assimilés aux jeunes parlements bourgeois des Etats occidentaux, ne convenaient pas aux perspectives d’une révolution communiste.
Lénine et ses compagnons furent les premiers à comprendre l’importance des questions d’organisation, et à provoquer une scission au sein du parti social-démocrate russe. Ainsi, en 1903, Lénine et ses camarades ont créé le parti bolchevik, qu’ils opposaient au reste des sociaux-démocrates russe, les Menchevik. Le parti bolchevik, était pensé comme un parti « de révolutionnaires professionnels », comme une organisation d’avant-garde de la classe ouvrière. Le but n’était plus d’accueillir les masses mais de devenir leur arme de pointe, d’organiser une élite militante éclairée et incorruptible capable de mener à bien la révolution.
La période de la première guerre mondiale confirma entièrement la pertinence de cette conception léniniste du parti.
Premièrement, les principaux dirigeants des vieux partis sociaux-démocrates trahirent le mouvement ouvrier et les idées marxistes en cautionnant sous couvert de « défense de la nation » la boucherie de la première guerre mondiale.
Deuxièmement, le parti bolchevik parvint à porter, par l’insurrection victorieuse d’octobre 1917, la classe des travailleurs salariés au pouvoir pour engager la construction d’un nouvel Etat révolutionnaire de type soviétique (nouvelle forme de démocratie) et socialiste (économie socialisée d’un type nouveau).
b) De Staline à l’embourgeoisement total des partis communistes.
Dès la mort de Lénine (1924), une des premières mesures prises pour le Parti communiste d’Union soviétique s’intitulait, triste ironie du sort, la « promotion Lénine ». Cette mesure consistait à ouvrir en grand les portes du parti pour en faire un parti de masse. Une dizaine d’années plus tard, c’était l’ensemble des partis communistes, qui connaissaient cette évolution, parfaitement « menchevik » et anti-léniniste, vers des partis de masse. Au départ, l’idée de Staline et de ses amis bureaucrates, n’était sans doute pas de trahir la cause du communisme, mais de faciliter leur contrôle sur les appareils politiques hérités de la révolution d’octobre 1917. En effet, il était plus simple de manipuler des masses de travailleurs peu aguerris et peu formés aux idées marxistes.
En un mot, la soif de contrôle de la clique stalinienne ne pouvait pas s’accommoder de la conception léniniste d’un parti d’avant-garde composé par des militants révolutionnaires expérimentés, conscients des principes et des enjeux.
Après avoir galvaudé la théorie léniniste de l’organisation, balayant dans le sang les anciens militants du parti bolchevik, Staline a commencé à réviser sournoisement la théorie marxiste de l’Etat, que Lénine avait également brillamment revigoré (l’Etat et la révolution, 1917 ; De l’Etat, 1919 ; etc.). Les partis communistes, à partir du milieu des années 30, mais davantage encore après la mort de Staline, en 1953, n’étaient plus des appareils politiques nécessairement révolutionnaires, ils étaient devenus des appendices subordonnés aux intérêts géopolitiques de l’Union soviétique. En France, comme dans de nombreux pays, ils étaient désormais encouragés à s’assimiler graduellement au jeu démocratique des Etats bourgeois. Il ne s’agissait plus pour eux de « briser » l’Etat bourgeois mais de collaborer avec la bourgeoisie dans le cadre de son Etat, de sa république, etc. Dès les fronts populaires de 1936, en passant par le désarmement des résistants communistes en 1945 et la participation au gouvernement d’après-guerre, les partis communistes ont ainsi amorcé une mutation bourgeoise.
Après la fin de l’Union soviétique, ils se sont tous « normalisés » au service du pouvoir bourgeois, jusqu’à participer activement aux pires gouvernements anti-ouvrier (En France, le PCF fut l’acteur du plus grand plan de privatisation de l’histoire du pays sous le gouvernement Jospin, par exemple). Mais ce processus d’embourgeoisement ne concerne pas uniquement les vieux partis communistes staliniens, d’autres partis politiques ouvriers, par exemple trotskystes, ont connu des processus d’embourgeoisement analogues. Avec le recul, il est clair que seuls les partis ouvriers organisés sur des bases léninistes ont été en capacité de se protéger des multiples influences de la bourgeoisie et de défendre de façon pérenne la classe ouvrière et ses perspectives de transformation sociale.
3) L’organisation d’un parti de révolution
Un parti de révolution à un rôle, des fonctions et des tâches à accomplir qui déterminent nécessairement un type particulier d’organisation. Par définition, il est l’instrument de préparation et d’accomplissement de la révolution. Et à notre époque caractérisée par le pouvoir et la domination du grand capital mondialisé, il vise la révolution des travailleurs salariés, c’est-à-dire du prolétariat, la classe sociale capable de prendre les rênes de l’économie et de la société pour accomplir le communisme.
Bien-sûr, ce passage d’un pouvoir à un autre pouvoir ne peut pas se faire dans la « paix » et dans le cadre des institutions « démocratiques » en place. Ces dernières ont précisément pour fonction de conserver l’ordre économique dont elles sont issues. C’est pour cela que la révolution est l’unique moyen de changer de société. Il s’agit donc de guider les travailleurs dans la construction d’un rapport de force (luttes, grèves, etc.), dans la constitution de nouveaux pouvoirs démocratiques (assemblés générales, comités, etc.), dans la préparation d’une insurrection armée nécessaire pour briser l’Etat ennemi, conquérir le pouvoir et ériger un nouvel Etat des travailleurs… C’est cela la révolution, et elle exige un parti politique spécialement organisé à cette fin. Un parti révolutionnaire se doit donc de respecter certains préceptes d’organisation. Et tous les partis « ouvriers » ou « communistes » étranger à cette conception, quels que puissent être leurs discours, cachent très mal leur renoncement effectif aux perspectives de la révolution communiste ! « Dis-moi comment tu t’organises et je te dirais qui tu es », pourrait-on dire. Sans entrer dans les détails, voici quelques principes incontournables pour construire un parti de révolution :
Un parti révolutionnaire se compose exclusivement de militants réellement engagés et préalablement formés au marxisme. C’est la condition de sa vie démocratique interne et de sa fiabilité politique. Premièrement, il faut évidemment que chacun soit bien conscient des tenants et des aboutissants pour pouvoir décider collectivement. Deuxièmement, la formation théorique des militants est la condition sine qua non pour préserver le parti des fortes influences corruptrices de la bourgeoise (idéologie, institutions, etc.). Cela n’empêche nullement le parti de s’appuyer sur des réseaux sympathisants beaucoup plus larges.
Un parti révolutionnaire est une organisation de combat, ce qui implique une forte capacité de centralisation. Celui-ci doit être en capacité de frapper fort, vite et de façon coordonnée, comme un seul homme, chaque fois que la situation l’exige. Il doit également veiller à sa cohérence générale, sur les plans politique, idéologique, organisationnelle et stratégique.
Un parti révolutionnaire est nécessairement structuré dans un souci d’opacité. En tant qu’ennemi mortel de l’Etat, il ne peut montrer publiquement qu’une facette de lui-même. Il doit ainsi travailler en permanence pour optimiser ses capacités à opérer illégalement et clandestinement. Il doit également pouvoir prévenir -et limiter les conséquences- d’éventuelles infiltrations ennemies, notamment par la compartimentation de ses sections.
En somme, un parti révolutionnaire s’organise dans une logique de guerre. Il est une arme spécialement taillée pour en finir avec la dictature du capital sur le travail. Il n’a pas vocation à accueillir les masses, ni même l’ensemble des travailleurs combatifs, comme le syndicat. Il incarne nécessairement une avant-garde beaucoup plus réduite de travailleurs parfaitement conscients et préparés aux objectifs généraux, historiques et révolutionnaires, de la lutte des classes.
Camarade, tu veux la révolution?
Organise-toi révolutionnairement !
ELIAS